29 octobre 2006

29 Septembre 1969.

Ce post comporte une suite : 01.10.1969 l'Embuscade. Chronologiquement elle se situe après celui-ci, mais dans la logique géométrique du blog elle figurait avant, j'ai donc changé l'ordre pour éviter le désordre. Mon explication n'est pas très claire mais je pense qu'il vaut mieux les lire à la suite l'une de l'autre, ou l'un de l'autre.

29/09/69.

En fait ça a commencé la veille, un Dimanche soir. Nous avions passé la journée chez le frère de Danielle, à Breuillet, entre Arpajon et Saint-Chéron, et nous reconduisions sa maman à Draveil.
Nous étions immobilisés dans un embouteillage, assez habituel à l'époque, le dimanche soir à Ris-Orangis, à l’intersection avec la Nationale 7, quand Danielle a poussé un petit cri de surprise : « Ah ! », avant d’ajouter après un instant de concentration attentive : « cette fois-ci je crois que ça y est, je pense que c’était une contraction ».


Et elle a commencé à chronométrer. Une dizaine de minutes plus tard, nous n’avions pas fait cent mètres, la chose s’est produite à nouveau. Elle était très calme, rassurante : « dix, douze minutes, c’est bon, nous avons encore le temps, mais il vaudrait quand même mieux ne pas traîner ».

L’heureux évènement était attendu aux alentours du 16 octobre, ma date de naissance et celle de mon père, mais, pour différentes raisons, ce bébé devait venir plus tôt. Autant le dire tout de suite, Danielle n’a pas de formation médicale ou paramédicale, mais elle avait tenu à être très bien informée sur le déroulement et tous les aspects de sa grossesse et de sa maternité. Elle avait lu tout ce qu’on pouvait trouver sur le sujet.


Danielle n’est pas une force de la nature, elle mesure un mètre soixante, et quand nous avons commencé à nous regarder différemment elle craignait que je la trouve trop mince et me disait : « je suis une fausse maigre, regarde mon épaule ». Nous faisions de la danse folklorique, du chant choral et surtout du théâtre avec des exercices de décontraction-concentration-respiration, proches du Yoga, dont elle m’a affirmé qu’ils l’avaient beaucoup aidée.

Les premiers mois ça se voyait à peine, elle était enceinte et début Juin elle jouait encore la jeune première dans le Dépit Amoureux. Mais en Juillet et Août elle s’était arrondie rapidement. Elle à travaillé jusqu’au bout, fraîche, rose, épanouie, heureuse et, dans les dernières semaines, son problème le plus grave a été de ne plus pouvoir conduire la 2CV, la position du volant étant incompatible avec son état.

Finalement nous sommes arrivés à Mainville et, de chez sa maman, Danielle a appelé la clinique, puis, comme on lui a demandé de le faire, une ambulance. Quand les ambulanciers se sont présentés c’est elle qui les a reçus :
« - Bonjour Madame, c’est bien ici la dame qui doit accoucher ?
- Oui, c’est moi. Entrez s’il vous plaît. Excusez-moi, je vous demande un instant, je vais avoir une série de contractions et je dois m’allonger ».
Calme, tranquille, sereine, et comme ils prenaient des précautions qu’elle jugeait excessives :
« S'il vous plait n'exagérons rien, je peux aller jusqu’à la voiture moi-même et m’asseoir à l’arrière toute seule, je ne suis pas malade ! ».
Les ambulanciers semblaient un peu décontenancés, mais avant que la soirée et la nuit soient finies ils ne devaient pas être les seuls.

Nous étions en 1969, la révolution culturelle de l’année précédente n’était pas encore assimilée et beaucoup de choses, dans les esprits comme dans les faits ressemblaient plus aux années 50 qu’à l’époque actuelle. La clinique, maternité occasionnelle, de l’avenue du général Michel Bizot, dans le douzième arrondissement de Paris, n’était pas équipée comme les services spécialisés des hôpitaux actuels. Le Dimanche il n’y avait pas de médecin sur place, la maîtresse des lieux et des œuvres était une sage-femme, très expérimentée. Elle ressemblait tout à fait aux infirmières militaires que nous avions pu voir dans les reportages sur la chute de Dien Bien Phu, et la fin de la guerre d’Indochine, genre adjudant-chef !

Elle s’est très bien occupé de Danielle, l’a examinée avec soin. Par contre j’ai tout de suite senti qu’elle manquait totalement d’enthousiasme quand je lui ai demandé d’assister à l’accouchement. C’était encore très rare, et ça ne faisait pas l’unanimité ; les jeunes médecins étaient plutôt pour. Elle n’a donc pas dit non, mais qu’on avait encore le temps et que rien ne se passerait cette nuit de toute façon, et que je devais revenir le lendemain matin, mais pas avant sept heures.

Danielle n’était pas d’accord : « Elle te raconte des histoires, j’en suis à moins de six minutes, il ne reste que deux à trois heures ».

Je suis donc retourné chez nous, nous habitions à deux pas, rue Fabre d’Eglantine, au sixième sous les toits. J’ai avalé un petit quelque chose, rapidement, et j’ai préparé la petite valise prévue, selon la liste écrite à l’avance. Je suis revenu à la maternité peu avant minuit.
« - Très bien, tu arrives au bon moment, on va bientôt m’emmener en salle de travail, tu vois j’avais raison ».

« - Ah ! Vous êtes là ! Alors je vous préviens tout de suite, que tout soit bien clair, je suis la pour m’occuper de Madame, pas de vous, si vous tomber dans les pommes je ne lèverais pas le petit doigt…
- Bon puisque vous insistez, rendez-vous utile, mettez-vous là sur le coté, prenez le masque et donnez de l’oxygène à votre femme quand elle vous le demandera ».

Elle a aussi parlé de pièce de 1 franc ou de 5 francs, de petite paume, de grande paume, avant ou après je ne sais plus l’ordre exact. Elle me communiquait le sentiment d’être en train de violer un Tabou très ancien et d’assister à des choses dont les hommes n’ont pas eu le droit d'être témoins de toute éternité.

L’accouchement proprement dit a duré vingt minutes, montre en main, respiration haletante, poussez, poussez, poussez, période de calme, on recommence…et Danielle exemplaire :
« - Chéri, donne-moi un peu d’oxygène » où encore « - Dites Madame, vous voyez bien que quand je pousse j’ai tendance à me crisper les cuisses, il faut me le dire ça, n’est ce pas, sinon les cours d’accouchement sans douleur ne servent à rien. Bon ça vient, on y va »…

Et puis le dragon s’est attendri, et m’a même souri : « Vite, vite, venez voir on voit les cheveux. Allons-y, c’est maintenant, faut pas traîner ». Je ne sais pas décrire, mais je n’oublierais jamais, ce geste de sage-femme, si particulier : une main dans un angle inhabituel sous la nuque du bébé, les doigts écartés, et l’extraction énergique de ce petit lapin écorché qui devient un enfant dès qu’il commence à crier.

Avec l'habitude et la maîtrise tout va très vite : les pinces sur le cordon, le petit bracelet au poignet portant l’inscription François-Régis Pastol, le cordon coupé, le bébé montré a sa maman, « c’est bien un garçon, je l’emporte un instant, à tout de suite ». Il y a encore eu l’expulsion du placenta, mais c’est curieux, les rapports avaient changé, la sage-femme avait presque l’air de s’excuser de montrer ça à un homme, un peu de nettoyage et les linges emportés au dehors de la pièce.

Trop émus pour beaucoup parler nous nous tenions la main, et Danielle reprenait son souffle.

« - …ça va ?
- …vouuui…
- as-tu eu mal ?
- …nooon… mais… je me sens épuisée… j’ai l’impression d’avoir fait les jeux olympiques… ».

Quand la sage-femme est revenue quelques minutes plus tard lui déposer son bébé dans les bras, elle avait déjà récupéré et s’était assise sur la couchette, appuyée sur deux oreillers. Elle a ri et pleuré trop heureuse et trop bouleversée, pensant à son propre papa qui nous avait quittés trois semaines auparavant. Elle m’a serré la main très fort, à me faire mal, mais nous n’en n’avons pas parlé.

« - C’est un beau garçon : 51 centimètres, cinq livres et demi seulement, mais très vif et c’est fou ce qu’il a comme cheveux…
- Allez, je vous le reprends, je l’emmène à la nurserie, vous aller remonter dans votre chambre et je vous l’apporterai tout à l’heure pour commencer à essayer de le nourrir ».

Dès qu’elle a eu tourné les talons, ni une, ni deux, Danielle s’est redressée, a pivoté et s’est levée. Nous étions à la porte de l’ascenseur quand la sage-femme est revenue.
« - Mais qu’est-ce-que vous faîtes ? Mais ça ne vas pas, attendez, j’appelle un aide-soignant avec une civière !
- Ah bon ! Vous êtes sûre ? Comme vous voulez ».

Sur les livres a été noté : Naissance, 29 septembre 1969, 1 heure 15, un garçon, François-Régis Pastol. Mais Danielle pense que c’est l’heure ou le registre a été rempli et qu’en réalité il n’était que 0 heure 15. Je pencherais plutôt pour 0 heure 30.

Je suis retourné chercher une eau de Cologne que j’avais oubliée pendant que Danielle se reposait un peu. Quand je suis revenu, vingt minutes plus tard, elle était debout au chevet d’une jeune parturiente qui venait d’arriver et hurlait comme un cochon qu’on égorge. Elle ne savait rien, semblait terrorisée, et personne ne l’accompagnait.

« Calmez-vous ! A quoi ça ressemble de se mettre dans un état pareil. Vous n’avez pas fait les cours d’accouchement sans douleur ? ...
Franchement ça n'est pas si terrible, je viens d’accoucher il y a à peine une demi-heure.
- C’est vrai ?
- Evidemment ! ».
Quand la sage-femme est arrivée elle lui donnait un cours accéléré, lui apprenait la respiration haletante, lui expliquait quand et comment il faut pousser, sans se crisper, lui tenait la main et la rassurait.

Finalement Danielle a eu droit à un compliment bourru et attendri, d’autant plus précieux qu’il venait de quelqu’un qui semblait en être avare :
« Si elles étaient toutes comme vous, je ne servirais à rien ! ».

Bon Anniversaire François-Régis.

Donc la suite est ci-dessous : 01.10.1969 L'embuscade.

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28 octobre 2006

01 Octore 1969 : L'Embuscade.

Ce Post est la suite du précédent : 29.09.69 , même si ce n'est pas apparent sur le blog.


L'Embuscade.

A l’époque de la naissance de François-Régis j’étais militaire, au CIT 156, Centre d’Instruction du Train, à Fontainebleau. Aux jeunes recrues nous apprenions pour l’essentiel à conduire des camions et des jeeps, à défiler au pas cadencé et à tirer au fusil. Un peu de sport, des rudiments de combat à pied, venaient compléter l’instruction militaire que nous dispensions à de jeunes appelés du contingent renouvelés tous les deux mois.

Le Train des équipages, créé par Napoléon, n’est pas une arme très guerrière mais par contre très technique. Ses missions essentielles s’articulent autour du transport de ravitaillement et de la circulation routière militaire.

Dans les guerres coloniales les convois de camions sont très exposés, donc nous enseignions, autant que faire se peut, la conduite à tenir face aux actions de guérilla.
Mais ça ne m’a servi à rien : l’embuscade avait été vraiment bien préparée et quand je suis tombé dedans la surprise a été totale.

Tous les soirs, la journée de travail finie, je me changeais rapidement, je sautais dans la deux chevaux et je fonçais lentement vers la clinique-maternité rendre visite à Danielle. J’arrivais peu avant la fin des visites et je repartais toujours le dernier. C’est d’ailleurs ça qui m’a rendu vulnérable.

Le Mercredi soir, j’ai quitté la chambre de Danielle vers vingt heures quarante sept, j’ai parcouru le couloir, franchi la porte battante qui mène aux ascenseurs et au bureau du personnel soignant. C’est là qu’elles m’attendaient. J’ai encore fait deux pas sur ma lancée et la chef du commando m’a bloqué le passage, les deux autres se sont disposées de façon à m'interdire les voies de retraite et d'accès aux autres issues : toute fuite impossible, imparable.

{{ Il s’est jugé perdu puisqu’il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris…}}

Et ça a été le mitraillage en règle, à bout portant :
« - D’abowd l’heuwe de la fin des visites, elle est lawgement dépassée. Et puis suwtout vous devez êtwe un joli monsieur, vous venez tous les jouws et chaque fois que vous repawtez votwe femme elle pleuwe. C’est une honte, nous ne voulons pas savoiw ce que vous faites, mais si c’est pouw la faiwe pleuwer il vaut mieux ne plus veniw, une si gentille petite dame avec un si joli bébé ! ».

Elles n’avaient pas entièrement tort. Ces visites se déroulaient toujours un peu sur le même modèle : comment allait la jeune maman, admiration du bébé et de ses progrès quotidiens, nouvelles des différents visiteurs passés dans la journée, et puis, baby-blues aidant venait le moment, heureux au début, puis triste à la fin, où Danielle pensait et disait : « - C’est vraiment dommage que Papa soit parti brutalement, lui qui se réjouissait tellement d’être grand-père. Il l’attendait avec une si grande impatience l'enfant de sa Titi… ».

Et le temps passant, même en évitant de regarder l’heure, c’était le moment de partir. Elle se retenait le plus possible, mais pleurait quand même, en me disant des yeux ça va, tu peux y aller. Son papa chéri était décédé trois semaines plus tôt. J’ai expliqué ça aux trois "guerilleras". Elles ont été aussi confuses qu’elles avaient été déterminées, ne sachant comment faire amende honorable et ne tarissant pas d’excuses.

Après cet évènement j’ai pu rester tous les soirs jusqu'à vingt et une heure et elles ont toutes été aux petits soins pour Danielle… et François-Régis.

Encore Bon Anniversaire FR.

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21 octobre 2006

Le Beaujolais Nouveau de Klaus.

Cliquez sur le titre ci-dessus. Vous accéderez à un site où l'on vous propose même une épreuve de course à pied !


Klaus et le Beaujolais Nouveau.

Ça fera bientôt trente ans, Klaus nous avait été envoyé par la maison mère, de Düsseldorf pour approfondir sa connaissance de la langue française. Il venait effectuer ce qui était à l’époque le stage de six mois classique : cours à l’Alliance Française le matin et pratique au bureau l’après-midi. Il n’avait pas encore vingt cinq ans, grand, très mince presque maigre, genre adolescent poussé trop vite qui ne sait pas quoi faire de ses bras, des cheveux blonds roux, légèrement frisés, incoiffables, et une petite moustache pour essayer de se vieillir un peu. Et surtout, l’esprit ouvert, curieux de nouveautés et francophile, ce qui n’était pas toujours le cas de nos stagiaires allemands à leur arrivée à Paris, même si ça l’était souvent après six mois de stage.

En l’aidant à faire ses exercices j’ai révisé des règles de la grammaire française. C’est surprenant, mais on peut avoir besoin de réfléchir quelques instants quand on vous demande à brûle pourpoint : « François, dans cet exercice je dois mettre les phrases à la forme passive au passé, qu’est-ce qu’il faut faire exactement ? ». Au fait, jamais un stagiaire ou un collègue germanophone n’a réussi à dire Jean-François.

Au bout de quinze jours de stage il y avait aussi et toujours la leçon ou l’on parlait de l’humour français et des jeux de mots. « François aujourd’hui nous avons appris une blague typiquement française peux-tu m’expliquer je n’ai pas compris ? ». Il y avait deux ou trois histoires drôles dans cette leçon du cours de perfectionnement de l’alliance française.

Je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager la joie immense que nous avions de les redécouvrir régulièrement tous les six mois : « Hier j’ai rendu visite à la colonie allemande – Ah bon ! Où ça ? – Les trois premiers rangs du Casino de Paris ! ». La vrai grande satisfaction intellectuelle (sic), survenait au moment de tenter d’expliquer ce qu’il pouvait bien y avoir de comique dans cette histoire, surtout quand, bon élève et très consciencieux, votre interlocuteur notait la solution dans son cahier en demandant « et ça, ça vous fait rire ? ».

La seule qui était encore trouvée un peu amusante après décodage entrait dans la catégorie des histoires légères, et donc typiquement parisiennes. Là encore je ne saurais vous laisser sur le grill, je suis sûr que vous attendez pratiquement une révélation, alors allons-y, puisque je ne m’adresse qu’a des personnes majeures âgées de plus de dix-huit ans (si ça n’est pas le cas ne lisez pas la suite et quittez immédiatement ce blog). Les précautions légales étant prises voici le texte intégral, version non expurgée : « François aujourd’hui nous avons appris une blague légère typiquement parisienne. Peux-tu m’expliquer, je n’ai pas compris ? – Oui vas-y – Alors voilà : Les petites filles aiment bien les chocolats, mais les grandes filles préfèrent les chocs au lit ». Ach ! Pariss !

Les bureaux étaient rue Tronchet, entre les grands magasins du Printemps et l’église de la Madeleine, deux lieu de culte très différents l’un de l’autre. Je lui avais trouvé un petit appartement meublé proche du métro Europe, rue de Moscou, et le soir il allait parfois boire une bière dans un bistrot à côté de la station Rome. Un vendredi soir peu après la mi Novembre il y a commandé sa bière comme d’habitude, mais son voisin de comptoir de droite s’est interposé.

« Ah non mon cher ! Aujourd’hui bière interdite ! Gégé sert à Monsieur un Beaujolais Nouveau, c’est pour moi ! ». Bien entendu Klaus a pris ça très sérieusement, au premier degré, et il a été très déconcerté.

Un jour ou la bière est interdite on ne lui en avait pas parlé à l’Alliance Française, ce qui était vraiment déroutant parce que la bière pour un allemand n’est pas un sujet mineur mais un thème culturel fondamental. Frappé par sa perplexité et soucieux de ne pas laisser un étranger dans la détresse son voisin de gauche a abondé : « Vous n’avez pas l’air de savoir qu’en France il ya deux fêtes nationales le 14 Juillet et le Beaujolais Nouveau ? – Mais non pas du tout ! – Je vais vous expliquer. Tiens Gégé remet-nous ça, c’est pour moi ».

Et ses deux voisins lui on tout expliqué : le Beaujolais, Le Beaujolais Village et le Beaujolais Nouveau sans oublier la nécessité du respect des traditions populaires et culturelles nationales, sujet auquel Klaus a toujours été particulièrement sensible.

Le cours particulier s’est prolongé jusqu’à la fermeture de l’établissement peu après vingt heures trente. Sur la suggestion de Gégé ils sont partis tous les quatre vers un petit bouchon genre Lyonnais qui organisait un mâchon pour fêter ce grand jour, et dont le Beaujolais Nouveau, élaboré par un ami du patron, juste à côté de Beaujeu, était une vraie merveille, à connaître absolument.

Klaus s’est bien rappelé leur départ, mais de ce qui s’est passé après il a tout oublié, où presque. Ensuite, la seule chose dont il se souvient avec certitude c’est de s'être réveillé le lendemain, chez lui, dans son lit, en pyjama vers quatre heures de l’après-midi.

Des siècles de recommandations aux voyageurs germaniques se rendant vers les pays latins laissent des traces profondes, capables de résurgence même dans les moments difficiles quand on n’a ni les idées claires ni le pied marin, mais une chambre qui possède une légère tendance à l’instabilité. Il s’est donc précipité inquiet sur ses vêtements bien pliés sur une chaise et a fouillé dans toutes ses poches de veste et de pantalon.

Il m’a raconté toute l’histoire le Lundi après-midi, très excité. « François je pense qu’après le bouchon Lyonnais nos sommes allés dans plusieurs autres endroits, mais où ? Je ne sais vraiment pas, peut-être dans un restaurant où il y avait des escargots, mais en réalité je ne me souviens pas. Et quand je me suis réveillé j’ai tout de suite cherché mon argent, mes eurochèques, mes papiers : tout était là, il ne manquait rien, pas un centime. Et ce matin quand je suis allé prendre mon expresso tout le monde m’a dit : Bonjour Klaus, ou Salut Klaus, même des gens que je n’avais jamais vus, et ils me donnaient une tape dans le dos ! ».

Cher Klaus, devenu un excellent ami ! L’année suivante il nous a invités à son mariage avec Suzy, chez eux à Neuss (NRW). J’avais apporté dans le coffre de ma voiture un peu trop de Champagne. Les postes de douane existaient encore. Le douanier belge m’a demandé si j’avais quelque chose à déclarer, je lui ai tout dit. Il m’a expliqué que si on faisait les formalités officielles de transit d’alcool ça serait long et compliqué alors que je pouvais passer comme ça mais à condition de promettre de faire le nécessaire à la frontière allemande. J'ai promis... et je l'ai fait. Le douanier allemand était bien embêté, « vous avez droit à trois bouteilles et vous vous en avez vingt quatre ! ... Mais si c’est pour un mariage… Bon, vous avez l’invitation ? ». Je l’avais, avec le plan d’accès. Il m’a laissé passer, comme-ça en ajoutant « fêtez bien ».

De l’Europe parfois je doute. Il faudrait peut-être seulement un peu plus de Beaujolais Nouveau, même si ce n’est pas mon vin préféré, et de Champagne, que j'aime beaucoup, mais surtout de braves gens, ce qui fait un peu nouille et vieillot comme expression, ou d’hommes, et de femmes, de bonne volonté, ce qui fait carrément grandiloquent. En ce qui me concerne je continuerai à voter Oui en tout cas, et je préfère fêter le Beaujolais Nouveau que la fin de la grande boucherie de la première guerre mondiale, même si je respecte profondément le souvenir de ceux qui en ont été les victimes, survivants ou non.

J’avais écrit ce post le 12 novembre 2005, entre les célébrations de la fête de l’armistice et la mise en perce des fûts de Beaujolais nouveau. J’ai bien aimé raconter cette petite histoire authentique et franco-allemande à cette date là. Les deux évènements étaient beaucoup plus fêtés lorsque Klaus fut notre hôte. Si j’y arrive je retranscrirais les commentaires reçus initialement.

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